Le Liban côté palestinien (les mails d’une DCC)

(je publie ici -avec son autorisation- les mails d’une DCC qui vit un autre Liban … côté palestinien ! Les noms de personnes ont été changés pour préserver chacun)
 

Syrie, vous avez dit Syrie ? sam. 05/01/2008

 

Une fois n’est pas coutume, me voici dans les temps pour vous souhaiter une bonne année 2008. En espérant que vous avez passé un joyeux noël et un bon passage de 2007 à 2008. J’attends des nouvelles de chacun de vous pour me raconter un peu vos gueuletons, vos vacances et vos soirées arrosées.

 

Ici, le temps continue de filer et avec le soleil toujours aussi doux et présent, j’ai bien du mal à me rendre compte que nous sommes en période de fêtes. La fin de l’année 2007 restera cependant dans ma mémoire, comme une période riche en découvertes et expériences.

 

Rentrons directement dans le vif du sujet avec Nahr el Bared :

1er jour des vacances, je participe avec Najdeh à la distribution de couvertures, pulls et lampes électriques pour les habitants de Nahr el Bared déplacés depuis la guerre du printemps 2007 dans le camp de Shatila. Ma présence n’est pas indispensable puisque les membres de Najdeh et bénévoles sont déjà nombreux pour la distribution des dons, mais bon, il se trouve que je suis là, témoin des difficultés de ces familles « réfugiées-déplacées ». Elles sont un peu plus de 200 à Shatila, ce qui est peu comparé à d’autres camps plus grands ou plus proches de Nahr el Bared. Malgré tout, les tensions sont palpables, notamment entre accueillants et accueillis. Ces derniers sont à bout, et pas toujours satisfaits de l’aide apportée par leurs hôtes. Certains réclament plus à Najdeh que ce qui leur est donnés (une lampe, une couverture et une couette pour 4, un pull par personne). Les habitants de Shatila reprochent à ceux de Nahr el Bared leur manque de gratitude … et tout le monde est conscient que ce sont des personnes dans le besoin qui viennent en aide à des personnes encore plus dans le besoin… sans commentaire.

 

3 jours plus tard, je pars avec 3 membres de Najdeh Beirut passer la journée à Nahr el Bared. Pendant le trajet, j’essaie de prendre conscience de ce que je vais voir : un camp détruit par les bombes. Pourtant, même une fois sur place, après avoir éteint nos portables et rangés nos appareils photos pour passer le barrage militaire, au beau milieu des décombres, la gorge serrée, je suis loin de réaliser. Réaliser que des familles viennent encore ici tous les jours, que des enfants jouent au milieu des gravas, peut être sur ce qui reste d’un mur de leur chambre. Que des jeunes se retrouvent à l’étage de bâtiments, face à des trous béants, pour fumer l’arguilé, que des femmes continuent de faire sécher le linge sur les quelques toits en terrasses encore accessibles.

Nous marchons pendant deux bonnes heures au milieu des décombres guidées par deux membres de Najdeh Tripoli.

Un bus de l’association, avec sur son toit, 3 jeunes bénévoles déguisés en clown, fait inlassablement le tour du camp pour inviter les enfants à un petit cirque mis en place à l’occasion de l’Aïd Kbir, à l’entrée du camp.

Le cœur du camp est inaccessible, entouré de fils barbelés et gardé par l’armée libanaise. Impossible d’y rentrer pour des raisons de sécurité. Les tas de bétons peuvent s’écrouler d’un moment à l’autre. Pourtant, il parait que des familles parlent de rentrer chez elles, une fois l’armée partie. Au moins pour récupérer ce qui est récupérable. Un meuble, un frigo, un jouet… mais il parait aussi que ce qui était récupérable a déjà été pillé par l’armée.

Au milieu de ce paysage désolant, un homme nous propose de monter sur la terrasse de son immeuble encore debout pour mieux apprécier l’étendue des dégâts. Si l’on regarde au-delà des décombres, la vue sur la mer est magnifique, surtout par une si belle journée. Le contraste en est douloureux.

Un autre homme nous interpelle pour nous montrer son oeuvre : dès l’arrêt des combats en juillet, il a reconstruit son épicerie. Les murs sont flambants neufs, il y vend quelques paquets de chips, des barres de chocolats, des cigarettes et des jouets en mauvais plastique made in China. En renonçant à l’échec, si de cette guerre est ressorti un vainqueur, c’est sûrement lui. Il demande à ce qu’on le photographie (à l’insu de l’armée) devant son échoppe.

 

Nous terminons notre visite en montant dans le bus de Najdeh pour aller assister au cirque mis en place pour les enfants. Ce n’est pas grand-chose. Mais les gamins sont nombreux et s’amusent. A côté du chapiteau, une dizaine de bâtiments préfabriqués sont installés. Le gouvernement avait parlé de reconstruire le camp. Voila ce qu’il en est dans les faits. En tout et pour tout 128 algecos et basta. Affaire classée. L’ordre du jour pour le gouvernement, ce n’est plus la reconstruction de Nahr el Bared, mais la recherche d’un Président. Avec un peu de chance, les élections auront lieu en mars. Etant donné qu’elles ont déjà été reportées 11 fois en 3 mois, les libanais sont en droit de se montrer suspicieux. Les plus optimistes diront quant à eux, que cette fois, c’est sûr, les députés dégotteront un président courant 2008… Ce qui laisse une marge certaine. Je ne m’attarde pas sur l’attentat mi-décembre de François Hajj, numéro 2 de l’armée libanaise, qui avait dirigé les combats à Nahr el Bared et qui devait prendre la relève de Michel Sleiman, chef de l’armée si ce dernier était désigné Président…Une nouvelle personne de la vie politique libanaise éliminée, une de plus, il y a sûrement des chiffres, mais moi je ne compte plus.

 

Toujours dans la rubrique palestinienne, j’ai été invitée au début des vacances d’hiver à des fiançailles. Une soirée chaleureuse et dépaysante. Les femmes dans une salle ; les hommes dans une autre. Pendant que ces messieurs parlementaient sur des sujets aussi divers que la politique, la religion, la fiabilité du fiancé ou la route à prendre pour arriver jusqu’aux fiançailles, nous les filles, nous sommes bien défoulées en dansant la dabké et autres danses orientales, sous les yeux des deux futurs mariés.

 

Quelques jours plus tard, changement de décors et de traditions, je pars en taxi et bus pour la Syrie avec F., ma colloc. Après une escale à Tripoli, une autre à Tartous et une dernière à Homs, nous arrivons à Alep ou nous retrouvons A., une autre volontaire.

Tout de suite, nous remarquons le différence de régime entre le Liban et la Syrie : au Liban, la démocratie est certes fragile et contestable, néanmoins, chacun parle librement de politique. C’est même un sujet rémanent dans les foyers libanais. En Syrie, pas un mot. Les affiches de Bachar el Assad, les slogans en son honneur, les discours de propagande à la radio, les drapeaux de l’unique parti politique Tout est là pour rappeler qu’on ne discute pas l’autorité du grand chef et que l’on est tout simplement dans une dictature. A chaque fois que nous montons dans un bus, le chauffeur relève notre numéro de passeport. De même quand nous dormons à l’hôtel. Ainsi, les hommes de Bachar peuvent nous suivre à la trace.

Les renseignements généraux sont partout. Alors que nous nous promenons à Deir ez Zor, petite ville perdue au milieu du désert dans le Kurdistan syrien, sur les bords de l’Euphrate, à 200km à peine de la frontière irakienne, nous remarquons qu’un homme nous suit, et ce, depuis que nous avons passé le barrage militaire. Cela ne fait pas de doute, les étrangers dans cette ville du bout du monde sont rares ; ils sont vite repérés et tenus à l’œil. Puisque nous n’avons rien à nous reprocher, nous décidons que cette situation est plutôt cocasse et qu’elle restera parmi les souvenirs de voyages, de ces anecdotes que l’on raconte à ses amis dans des mails, dans des repas de familles ou en soirées autour d’un verre.

La dictature syrienne a tout de même ceci de bon que les infrastructures routières sont d’une qualité étonnante en comparaison du Liban. Les transports en communs aussi sont étonnamment fiables, modernes et confortables. Enfin, les syriens sont très fiers du calme qui règne dans leur pays depuis 40 ans, alors que les tensions sont permanentes dans les pays voisins. Du calme, certes, mais au prix de quelles soumission pour le peuple ? Combien y a-t-il de prisonniers dans les prisons syriennes ?

 

Après la visite d’Alep et de ruines romaines splendides et quasiment insoupçonnées aux alentours de Raqqa et Deir ez Zor, nous partons pour Palmyre, la Princesse du désert. Ville magnifique s’il en est une. Même après avoir visité Baalbek au Liban et Petra en Jordanie, j’ai été emballée par la beauté de Palmyre. Un bijou au milieu du sable. Des vestiges romains à perte de vue. Une palmeraie verte et abondante.

Pour toutes les visites, en tant qu’habitantes du Liban, nous sommes exemptées du tarif touriste : nous payons le même prix que les locaux pour la bonne et simple raison qu’officiellement le gouvernement syrien ne reconnaît pas les frontières libanaises.

 

Dernière étape et passage obligé avant notre retour : Damas ! On nous avait prévenus : Damas respire l’Orient autant que Beyrouth l’Occident. C’est bon de se promener dans le souk, d’être étourdie par les odeurs, les bruits, les couleurs, de laisser glisser son regard ou ses doigts sur de la vieille pierre, des maisons traditionnelles, des entrées de hammams, comme il n’en n’existe plus au Liban depuis la guerre civile. C’est bon de voir une capitale faite d’autre chose que de blocs de bétons. Damas est belle, Damas est traditionnelle, Damas vibre. Nous n’oublions pas de passer par la mosquée des Omeyyades, 4ème lieu saint de l’Islam après la Mecque, Médine et Jérusalem ; lieu de croisements des religions, où les chrétiens viennent se prosterner devant la tête de Saint Jean Baptiste, pendant que les chiites pleurent devant la relique de Hussein, le fils de Ali, martyrs des martyrs. Le lieu est grandiose.

 

Nous rentrons juste à temps à Beyrouth pour fêter le nouvel an. Une petite soirée entre amis dans notre nouvel appartement et qui s’est fini dans un bar branchouille… et dès le 2 janvier, le boulot reprend. Dur, dur après des vacances pas vraiment reposantes. Une petite anecdote néanmoins me donne le sourire en ce premier jour de travail de l’année et me fait penser que 2008 commence de manière étonnante :

Ce matin, les rues du camp de Borj el Barajneh étaient complètement inondées après une nuit de grosse averse, et à cause d’un système d’évacuations vétuste. Dans certaines rues, l’eau montait jusqu’aux genoux, entraînant sur son passage des ordures et des rats. Me voici donc au milieu de ce décors, perchée sur un monticule de béton, à me demander comment diable je vais bien pouvoir traverser pour me rendre au travail. A cet instant passe un jeune homme sur son scooter, il me demande où je vais et me fait signe de monter derrière lui. Je m’exécute, et nous voila en train d’improviser une nouvelle version du scooter des mers. Sur le chemin, plusieurs personnes nous conseillent d’abandonner, les rues étant par endroits trop inondées pour nous permettre de passer. Mais mon chauffeur est agile, et j’arrive à destination, toute sèche au dessus des chevilles. J’ai à peine le temps de le remercier qu’il s’en va déjà. Je n’ai même pas vraiment vu son visage : sa capuche cachait son regard. Je sourie en me disant que je viens de croiser mon ange gardien au milieu des rats et des ordures. Voilà, c’est mon conte de Noël à moi ; plus beau que celui de Nicolas et Carla…

 

Même sans président, la vie continue, dim. 02/12/2007

 

Marhaba ya Shabeb w Sabaya (Salut à vous, jeunes gens et jeunes filles)

 

 

Vous l’avez attendu (ou pas), voila enfin le retour de ma petite gazette beyrouthine. Avec un mois de retard, certes… mais comme disait l’autre, mieux vaut tard que jamais.

 J’espère que vous allez bien, malgré les grèves. Vu d’ici, ces mouvements de protestations sont assez cocasses. Avec tant de mécontents dans les rues, on se demande qui a voté pour Nicolas le printemps dernier. En tout cas, les libanais, ça les rassure de voir tout ce grabuge dans les rues de France. Entre ça, et Jacques Chirac qui s’apprête à être jugé, ils se disent qu’ils ne sont pas les seuls à avoir du fil à retordre avec leur Président. Sauf que eux, justement, ils n’en n’ont plus de Président. Depuis une semaine. Les députés de la majorité et de l’opposition n’ont toujours pas réussi à se mettre d’accord sur le choix d’un candidat. Et en même temps, pourront ils jamais se mettre d’accord si leurs maîtres qui tiennent les ficelles (la France, les Etats-Unis, la Syrie et l’Iran) leur demandent de ne pas s’entendre ?

 

Au moment de son départ, l’ancien Président (et pantin) Emile Lahoud a délégué le pouvoir à l’armée, et a déclaré l’Etat d’urgence. Rejeté aussi sec par le premier ministre Fouad Siniora. Quand on sait que ce que les militaires font de mieux ici, c’est reluquer les fesses des minettes en pantalons taille extra basse, on se demande quel genre de pouvoir l’armée aurait bien pu prendre de toute manière….En attendant, plus personne ne dirige le pays, il vogue tout seul, on ne sait pas bien ou, d’inflation en inflation… et pour des raisons de sécurité, les militaires sont massivement déployés dans la ville. Jusqu’à quand ? C’est bien la question… tous les vendredis on promet aux libanais la tenue des élections, tous les vendredis la population retient son souffle, mais finalement, les élections sont sans cesse reportées, et les libanais et palestiniens ont la boule au ventre. Dans l’attente incessante d’un attentat ou d’une rixe qui tourne mal. Mais jusqu’à maintenant, rien !.. Si ce n’est une méchante bagarre dans le camp de Borj el Barajneh, ce qui n’a fait qu’entretenir les craintes… Ce jour là, j’étais à Shatila avec des collègues de Borj el Barajneh justement. L’une d’entre elles a reçu un coup de fil et en quelques secondes, tous les visages se sont assombris ; il y a eu des larmes, des coups de téléphones en pagaille, la télé qui passe frénétiquement d’une chaîne d’information à l’autre, à la recherche d’une explication sur la nature et la gravité du conflit. Finalement une demi heure plus tard, tout le personnel de l’association, moi y compris était renvoyé à la maison…. Puis RIEN. Dès le lendemain, chacun a repris ses activités.

Une amie de Shatila m’a expliqué qu’elle avait dans son placard un sac contenant le minimum de toilette et ses papiers d’identités, pour pouvoir fuir rapidement si la situation devait dégénérer subitement. Et chaque jour je me demande, si l’ambiance était la même en Europe durant la guerre froide. J’ai vraiment l’impression que toute la population est dans l’attente d’un évènement lugubre qui n’aura pas forcément lieu.

Même si je n’ai pas de raisons d’avoir peur pour ma peau, cette psychose généralisée est parfois pesante. Le week-end dernier, j’ai donc désertée Beyrouth, ses chars et ses pensées pessimistes pour passer 2 jours dans le Chouf, en terre druze, chez une amie française, au vert et au calme. Vu de là bas, l’ambiance beyrouthine, c’est de la science fiction. Pas un bruit, des rues propres, des vieilles maisons de pierre… ouf, de l’oxygène, tout simplement.

Mon amie m’a amenée chez Tante Julia, une vieille guérisseuse traditionnelle, pour que je lui montre mes jambes. Arrivée la bas, la vieille femme a agité sous mon nez un flacon dans lequel elle conserve depuis 14 ans, les lambeaux de peau brûlées d’une de ses patientes.

         « Elle ne va quand même pas me faire boire ça ?? »

J’avoue que pendant quelques secondes, j’ai paniqué ! Mais non. Les rides de son visage ont beau témoigner du nombre de ses années, notre vieille tante Julia est une femme à la page. Après avoir maudit les médecins qui, selon elle, m’ont soigné n’importe comment, elle me sort un tube de mytosyl, et me vante les mérites de cette crème pour bébés, avec pour argument majeur le fait que c’est un produit français, donc forcément fiable. Finalement, elle m’en badigeonne abondamment les pieds, me conseille d’arrêter immédiatement de porter mes vêtements compressifs (ben, voyons !) et me rassure : dans un an, je n’aurai plus rien !

Je ne sais pas si la séance aura été efficace, mais en tout cas, elle fut dépaysante et distrayante.

 

Et pour ceux qui continueraient de s’inquiéter pour mes jambes, je vous annonce fièrement que je l’ai fait : comme j’en avais fait le serment sur mon lit d’hôpital juste avant mon rapatriement en février dernier, j’ai participé cette année encore au mini marathon de Beyrouth (10km) ! Bon, l’an dernier j’avais couru, cette année j’ai marché, j’ai même un peu triché ! et j’ai mis deux heures, contre une l’an dernier. Toujours est-il, que je l’ai fait ! Et pas vous, hehe !! Et ça n’a même pas été dur.

 

La suite de mon quotidien, ça se passe dans les camps, j’aurai voulu vous envoyer des photos, mais malheureusement, la connexion est trop lente et les photos trop lourdes…

Donc, je me contenterai de vous raconter les parties de Uno enflammées depuis quelques temps avec des amis de Shatila. Je leur ai amène ce jeu de France, et il a un tel succès que ca peut durer très tard dans la nuit! on compte les points, et tout et tout! comme des pro!

Mais n’allez pas imaginer que je ne fais que taper la carte… j’ai aussi pas mal de boulot cette année. De manière générale, je suis bien plus satisfaite du travail à Najdeh cette année que l’an dernier. D’abord parce que je cerne mieux le fonctionnement de l’association et le rôle de chacun. Aussi parce que je connais mieux mes collègues, je comprends mieux ce que l’on attend de moi, et j’ai eu beaucoup de temps cet été pour préparer des activités. Enfin, détail non négligeable : Il y a maintenant une photocopieuse dans le centre de Shatila et de l’encre dans l’imprimante. Je n’ai donc plus besoin d’aller jusqu’au siège de l’association pour préparer mes cours…. Et mine de rien, ça change le quotidien !

Et puis, toute la partie : formation des animatrices des jardins d’enfants, pour les activités d’anglais, c’est très intéressant. Travail d’équipe, mise en commun d’idées, nouveaux apports, mise en place d’un programme structuré. Tout est tellement plus clair que c’est bien motivant. Je suis également en train de mettre en place un atelier de contes avec une conteuse française rencontrée ici. Nous avons eu une première séance la semaine dernière, et les gamins avaient des étoiles dans les yeux. Je dois reconnaître que c’était gratifiant de voir leur sourire, et de les entendre raconter et raconter encore et encore, jusqu’à aujourd’hui le conte sur lequel on a travaillé ensemble.

 

Mais les camps en ce moment, ce sont aussi des évocations récurrentes de la guerre à Nahr el Bared l’été passé. Rien qu’à Shatila et Borj el Barajneh, les jardins d’enfants de Najdeh reçoivent une trentaine d’enfants déplacés de là bas.

Récemment, j’ai rencontré une nièce d’O. Elle a mon âge. J’ai passé une soirée à Shatila, avec elle. Au milieu de la nuit, dans son sommeil, elle s’est tournée vers moi pour me demander s’il y avait eu un attentat. Le lendemain matin, elle m’a avoué que régulièrement, elle rêve des bombes à Nahr el Bared. Cet échange m’a laissé pensive… elle et moi avons le même âge. Là s’arrêtent nos points communs… elle a vécu l’invivable. Comment vivre avec des images, des sensations de mort qui vous hantent dans votre plus profond sommeil ?

Je vous laisse chercher la réponse… moi, je ne l’ai pas…

 

Dans un autre genre de nouvelles, et pour passer à des choses plus gaies, je suis retournée à l’IRAP pour le plaisir, et pour filer un coup de main dans la préparation de l’exposition de Noël. J’ai passé une journée à faire des chocolats. Et encore une fois, la même sensation, le bien être, le calme, la montagne. J’ai passé une nuit là bas, dans le studio dans lequel j’habitais en 2001-2002. Agréable impression de retrouver des repères. Heureuse aussi d’avoir pu passer un vrai moment dans la soirée avec F. et D., les deux voisines, juste comme à l’époque, à papoter sur leur lit.

Et puis j’ai pu passer un long moment avec Janine, une des fondatrices de l’IRAP. Un privilège que de pouvoir s’asseoir à ses cotés juste pour bavarder, sans être interrompu par le téléphone, elle qui est toujours tellement sollicitée, occupée, à courir ici ou là. Janine, ce personnage si charismatique. Cette dame que j’ai toujours connue vieille. Elle avait au moins 70 ans quand je l’ai rencontré ; elle en a au moins 76 aujourd’hui. Et pour la toute première fois, j’ai eu l’impression de la trouver vieillie, fragilisée. Oh, à peine, un quelque chose insondable, mais peut être les rides un peu plus creusées, la mémoire un brin moins fiable. Janine, qui pourtant a toujours été vieille, mais que je n’avais jusque là jamais vu vieillir. Janine qui a été un tel soutien durant toute mon hospitalisation, qui m’a concrètement aidée à régler la question du logement après que j’y ai mis le feu,  Janine qu’on ne peut, qu’on ne veut voir fragile. Et pourtant, on ne peut pas ignorer le temps qui passe…

 

Je finirai ce courrier en vous donnant des nouvelles de mon chez moi : cette fois, ça y est, c’est bon ! Après un mois et demi de colocation à Hamra, quartier dit d’intellos gauchos, mais qui à mes yeux est surtout un quartier exagérément cher et huppé, j’ai enfin les clés de mon nouveau chez moi ! À Sin el Fil cette fois (ce qui veut dire en arabe : défense d’éléphant, c’est joli non ?), quartier populaire et très vivant, ou toutes les nationalités se croisent: libanais bien sur, mais aussi syriens, soudanais, sri lankais, philippins, éthiopiens… un beau métissage. L’appartement est tout simplement immense (deux chambres et un très grand salon). Pour l’instant, je cohabite avec mes deux poissons rouges Sindibad et Yasmina, et je n’ai pas encore de meubles, mais dès le mois prochain, je vais partager les lieux avec une autre volontaire. En venant m’installer ici, je m’éloigne encore un peu de mon lieu de travail, mais je me rapproche un petit peu de l’IRAP (ça peut toujours être utile). Et puis, je suis prête à prendre mon mal en patience dans les bus et les embouteillages le matin, si c’est pour me sentir vraiment chez moi.

 

Sur ce, merci à ceux qui ont eu le courage de me lire jusqu’ici. Je vous souhaite un bon vent…. Et j’attends de vos nouvelles.

 

B.

 
 
Cet article a été publié dans Voyages. Ajoutez ce permalien à vos favoris.

Laisser un commentaire